Le rapport Taddei sur la société apprenante est sorti en mars 2017. Il s’inscrit dans la droite ligne des évolutions constatées dans l’éducation nationale autour de la formation des enseignants : ESPE, PPCR, formation continue… et la volonté de développer le travail collaboratif, en équipe, participatif au choix, en complément ou non…
Comme beaucoup de document de ce genre et beaucoup d’injonctions ministérielles, le numérique est convoqué comme l’alpha et l’oméga des besoins de changement. Le niveau des changements à opérer est celui de l’individu capable d’apprendre plus et mieux afin de consolider la société. C’est parce que cet individu sera dans cette optique que la société sera plus ce que l’on veut. Pourquoi pas ? Le mode opératoire de cet apprendre dans la société apprenante (et non la société de la connaissance) est défini ainsi :
Dans une société apprenante, chaque individu, doit pouvoir à son niveau construire et partager ses connaissances et ses découvertes avec les autres, documenter ses apprentissages, disposer des ressources, des lieux et des accompagnements nécessaires pour progresser mais aussi pour permettre à d’autres de s’en inspirer et d’améliorer leurs pratiques (synthèse p1).
4 mots à retenir : partage, traçabilité, accompagnement et pratiques. Toutes les évolutions autour des portfolios, de l’analyse de pratiques, du partage en communauté, de la documentation de ses apprentissages, de l’accompagnement, notion protéiforme s’il en est, sont convocables.
La notion de compétence, terme étonnant dans une société apprenante où la connaissance semble mise au second plan est aussi au coeur de la première page de cette synthèse. Là aussi il s’agit de rappel par rapport aux évolutions de l’éducation nationale qui oscille désormais entre compétences clés et compétences transversales. On se rapproche ainsi de plus en plus des attentes de la formation professionnelle.
il apparaît à tous urgent de réfléchir aux conditions et aux compétences transversales qui vont permettre aux organisations et aux individus de se préparer à ces changements, que ce soit via la formation initiale ou durant leur parcours professionnel.
La note de synthèse propose ensuite de réfléchir à cette société en la pensant de manière systémique. Là aussi, rien de bien neuf. Cela fait 20 ans, depuis les arbres de la connaissances et les communautés virtuelles que la notion de système est mise en avant dans l’évolution des organisations. D’ailleurs, le fait de parler de société apprenante renvoie à pas mal de théories organisationnelles qui réfléchissent sur la place de la connaissance dans l’organisation.
Le moyen pour que ce changement se fasse passe par un changement culturel de la part des individus : une culture de la confiance et de la responsabilité, du mentorat bienveillant et de la coopération. Mais si les individus sont les cibles de ce changement culturel, c’est bien au service de l’organisation et non au service des élèves. On peut supposer alors que, dans une approche systémique, le fait que les individus, culturellement homogènes interagissent dans l’organisation a pour but d’éduquer et de faire apprendre à apprendre les élèves.
Ce nouvel individu qui favorise la fluidité des interactions dans l’organisation est aussi le mentor, celui qui accompagne. On pourrait gloser à l’infini sur le choix des termes de l’accompagnement et des modes. On a eu le coach et le tuteur, on a aujourd’hui le mentor.
Et bien entendu, l’outil c’est le numérique et le mirage des data appliqués à l’apprentissage. Je crois que là on est dans le vieux rêve du démiurge qui va créer de futurs citoyens en se servant de la magie technologique. Pas sûr ue ça marche comme ça. Depuis les débuts de l’exao, on a eu comme ça des vagues de « nouvelles technologies » qui allaient révolutionner l’apprendre. Les faits sont têtus et les modes sont passés. Le numérique apporte énormément mais cela ne change pas fondamentalement que l’apprentissage est d’abord un compagnonnage en communauté.
Ce développement professionnel adossé à la recherche ne peut s’opérer sans la participation et la confiance de tous les acteurs.
Ce changement ne peut se faire qu’avec confiance. il me semble que ce terme est convoqué à l’envie mais qu’il masque un paradoxe : la confiance est un pari, celui d’accorder foi à quelqu’un en sachant qu’il est faillible, parce qu’humain. Peut on faire confiance à quelqu’un dont on connait tout ? D’un côté les datas pour tout comprendre des humains dans une totale visibilité et de l’autre le discours dominant de la confiance comme énergie et facilitation de cette logique systémique.
Pour conclure, il s’agit donc bien comme le dit la synthèse de mobiliser les moyens matériels et humains pour répondre aux défis éducatifs. C’est donc bien au niveau de l’individu que veut travailler ce rapport. Les institutions ne peuvent rien si ce n’est mettre en place un cadre facilitant.
De profonds changements peuvent survenir en moins d’une décennie si l’on sait mobiliser les acteurs.
Mais qui est ce « on » qui doit savoir mobiliser les acteurs : un pédagogue, un communiquant à moins que les deux termes ne soient synonymes.